Onze heures du soir sonne quand je quitte les quartiers bourgeois. Je me pavane un moment dans les rues parisiennes pour finir dans un pub du premier arrondissement : Kitty O’shea’s à enchaîner les verres d'alcool jusqu'à même à force, en perdre le goût. J'oublie les saveurs, j'ai l'impression de boire de l'eau. Le barman essaye bien de me restreindre mais une liasse de billets l'incite à me laisser faire. Du moment que je paye, où est le mal, dîtes moi ?
La tête dans le brouillard, je fini par ne plus penser à rien, sauf à rester un minimum consciencieux pour maîtriser mes faits et gestes. Si mes pensées sont davantage dans le trouble, j'arrive tout de même à être obnubilé par la simple image de Camille dans ma tête. Cette fille me rendra dingue. Je lui rend bien, aussi. Les minutes passent, le temps semble avoir suspendu son court. Je lèche mes lèvres pour recueillir la moindre goutte de boisson et quitte l'établissement bien après une heure et demi à se mettre...bien.
Ma tête tourne, la terre bouge sous mes pieds et je prends prise sur les murs, pour me frayer un chemin sur les trottoirs - heureusement pour moi, assez vite à cette heure-ci. Au pire, qu'importe les propos de chacun vis à vis de mon état ou bien de l'image que je peux renvoyer. Ce ne serait pas la première fois que je ternis la réputation des de l'Orme, au grand damne de mon paternel.
Une possible rumeur pourrait même naître dès ce soir. Je la vois venir : Le fils de l'Orme aurait-il des problèmes avec l'alcool ? J'en ris et divague jusqu'aux quartiers résidentiels de l'ouest grâce à, je ne sais quel miracle.
Quand je lève les yeux c'est pour contempler l'immeuble qui me surplombe. Sa hauteur me fait tourner un peu plus le cerveau. J'ignore l'heure qu'il est, je ne suis pas en mesure de sortir mon téléphone portable pour me faire une idée. Et même...je n'ai même plus le souvenir d'avoir oublié mon cellulaire sur la couette de mon lit. Heureusement tout compte fait, j'aurai put l'égarer en plein cœur de Paris, le jeter dans la Seine ou au mieux, le donner en guise de monnaie pour payer ma tournée personnelle.
J'emprunte l’ascenseur, je monte et les portes s'ouvrent sur un couloir bleu pâle. Ça sent la poussière, celle-ci incrustée dans la moquette du tapis. Dommage car à première vue, c'est un étage bien charmant...
Je ne mets plus très longtemps à arriver à destination. Je sonne, ne me posant même pas la question à savoir si elle dort. J'observe l'écriteau numéroté tandis que je suis appuyé le dos contre le mur d'en face, les mains dans les poches, le regard dans le vide, la bouche un peu ouverte. Et puis je serre des dents, rendant ma mâchoire un peu plus carrée. Je passe ma langue sur ma bouche et patiente, le cœur - un poil serré. J'attends une fille sur le palier d'son appartement, ivre mais contrôlé quand même. Aurais-je la chance de voir cette porte s'ouvrir ? De croiser son regard et de pouvoir espérer passer la nuit - peut être sous son toit ? Dans ses bras ? J'espère peut être trop, je lui demande trop de patience mais en ai-je véritablement conscience ? Oui mais trop de fierté pousse un homme à quelque fois, se comporter comme un salaud.

Je patience et pendant ce court temps, je pense. Je pense à quoi ? Je pense à qui, plutôt ? C'est logiquement qu'elle occupe mon esprit, d'une façon qui me fait peur, bien que ça soit agréable. D'une certaine façon, ça ne l'est pas. La façon que mon cœur à de battre est trop perturbant. Je n'ai pas le temps de reprendre mon souffle que la porte s'ouvre. Camille est là et j'accroche instinctivement ses pupilles. Je m'y noierai presque si je n'avais pas peur de la fixer trop longtemps. Je souris mentalement mais ne laisse transparaître aucun signe qui témoigneraient, malencontreusement de mon possible émoi. Camille m'incendie littéralement. Mon cœur rate un battement et je me surprends à la décrire physiquement. Je remonte de ses pieds nus jusqu'à ses yeux. Bon sang, pourquoi est-elle si belle ?
Mon sang bouillonne. Je frisonne.
J'inspire profondément puis marche vers elle. Sur les traits de mon visage, sans doute – se lie la mélancolie. Je repense à mon oncle. Ce creux béant qui pique à mon cœur ne veut pas se refermer. Je n'arrive pas à faire le deuil, j'ai mal au plus profond de moi. Il n'était pas un simple parrain, il était comme mon deuxième père. Il était mon modèle à tous les niveaux. N'est-ce pas grâce à lui que j'ai toujours eu cette passion pour la défense ? Mon engagement à l'armée ne sait-il pas fait grâce à son aide ?
Je laisse un long silence opérer, pendant lequel je me faufile de l'autre côté de la porte, quittant ce couloir pour l'appartement de Camille.
Et je me délecte une fois de plus de la vue qu'elle m'offre. Sans vraiment le faire exprès. Sa petite tenue plairait à beaucoup d'hommes mais au fond, il n'y a que moi qui est le droit de regarder...possessif ? Pour sûr.
J’avale difficilement ma salive et m'humecte les lèvres. Je cesse de la reluquer, par respect et puis j'ai besoin de me changer les idées pour éviter d'être trop démonstratif. On le sait bien que tous les hommes sont sensibles au physique. Je m’éclaircis la gorge en passant une main dans ma nuque, puis me retourne. C'est dingue...je suis totalement fou. Fou d'elle. Je fini par m'approcher d'elle et effleure sa joue du bout des doigts. Je frémis. Cette envie de l'embrasser et bien trop forte. Ce n'est sans doute pas – que sous l'effet de l'alcool. Finalement, je flanche mais sagement et viens déposer un baiser sur sa joue. Comme ça, tranquillement avant de m'écarter et de parler enfin. Bonsoir minou. Je souris, enfin. Tu dormais?